PÂQUES DU SEIGNEUR, MISSION POUR TOUS
- Catho Ad Vitam

- 21 avr. 2021
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La résurrection du Christ n’est pas un évènement de courte durée qui serait circonscrit dans un temps bref ou dans un espace donné de notre histoire. Au contraire, elle passe et transcende l’histoire de l’humanité entière pour déboucher sur une tâche non statique mais dynamique. Autrement dit, sur la mission. Laquelle, consiste à gagner des âmes au Christ, en allant chercher non pas des chrétiens, mais bien plus des non chrétiens pour les faire appartenir à l’Eglise, Corps mystique du Christ. Dans son encyclique Evangelii Nutiandi, le Pape Paul VI, rappelle à cet effet que l’Eglise naît de l’action évangélisatrice de Jésus et des Douze, d’où sa nature fondamentalement missionnaire. (Cf. Paul VI, Evangelii Nutiandi, n°2).
Le Christ ressuscite pour confier une mission. La joie des disciples de revoir leur maître et ami, non pas comme un fantôme mais plutôt comme celui qui se présente à eux dans son propre corps, a atteint son plus haut sommet. Leur joie n’est plus contenue dans une simple pièce tissée de quatre murs. Elle est appelée pour ainsi dire à s’étendre partout dans le monde. Ce n’est pas une joie à la manière du monde. Elle est en effet, le témoignage de l’expérience du voir unique et définitif du Ressuscité. Ce voir qui, au fond, n’est rien d’autre que l’accomplissement de la promesse du Christ. « Le monde ne me verra plus, mais vous, vous verrez que moi je vis et, vous aussi, vous vivrez » Cf. Jean 14, 19.
Voir le Ressuscité, faire une expérience personnelle avec lui, c’est se prêter à sa mission. En d’autres termes, c’est accepter de devenir pour soi ainsi que pour les autres, le témoin de cette Bonne Nouvelle. C’est d’ailleurs ce que fait Marie Madeleine, elle qui, la première, inaugure cette mission. « Ne me retiens pas, (…), dit-il. Vas trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » Cf. Jean 20, 17. Madeleine court en hâte pour annoncer au groupe des douze ce dont elle fut témoin. Voici tout le sens caché de la Pâques du Seigneur. Annoncer aux autres ce dont nous sommes les témoins.
La Pâques fait de nous des ambassadeurs de la résurrection du Christ. Le témoin est ainsi appelé à dire et à témoigner aux autres ce qu’il a vu ou entendu. La fête de Pâques épouse dès lors pour nous chrétiens, un caractère nouveau, celui de la mission. Elle n’est cependant plus limitée qu’au seul caractère festif. Mais il faut y voir, désormais, un autre, une mission. Pâques est alors égale à mission. Selon saint Jean, l’ordre de la mission des disciples s’enracine dans celui que le Père confie au Christ. « De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde » Cf. Jean 17, 18. Il est ainsi question d’une continuité. Les disciples sont saisis par le Ressuscité pour assumer la mission qu’il a lui-même débuté durant sa vie terrestre. Au travers des apôtres, c’est toute l’Eglise des baptisés qui est envoyée en mission par l’Epoux pour porter à ses frères, encore enfermés dans les tombeaux de la suffisance et de l’insouciance, le message de la libération.
En clair, la mission à laquelle le Ressuscité nous veut associer exige, tout comme lui, le don total de nos personnes. Chrétiens, nous sommes de par notre baptême configurés au Christ et à sa mission qui nous porte désormais vers les autres. Cette configuration au Christ est, selon Balthasar, le lieu de l’intégration de l’homme en général et de l’Église tout entière dans l’événement pascal. « L’être en notre faveur du Christ provoque le chrétien inclus en Christ à une même réponse de sa part à l’égard de son prochain », affirme Pouliquen (La substitution inclusive au fondement de la morale chrétienne chez Hans Von Balthasar, p. 246). Que nous soyons chrétiens ou pas, la Pâques du Seigneur ou du moins sa victoire sur la mort nous concerne et nous cerne tous à la fois et ce, indépendamment de notre volonté. C’est bien là, la perspective de sa vie toute donnée sur le bois de la croix. « C’est pour nous que le Christ a souffert » (Cf. Liturgie des Heures, Offices du dimanche soir, Temps de Carême, Cantique 1 P 2). Le Christ rassemble tous les hommes dans son être indivisible, et fait de l’Église le sacrement de cette réalité ultime. C’est ce qui fait dire à Isaac de Ninive que « le seul vrai péché, c’est de rester insensible à la Résurrection ».
Chrétiens, notre mission consiste à rendre témoignage du Christ et de sa résurrection d’entre les morts. C’est là, en effet, notre Pâques.
Aujourd’hui avec l’avènement infernal de la science et de la technologie, l’individualisme devient peu à peu le mieux célébré et pratiqué dans la plupart de nos sociétés modernes. La conformité devient une denrée rare au plan sociétal. Les rapports interpersonnels, depuis les familles en tant que fondement de toute société, sont fragilisés et remis en cause. La société, elle-même, peine à se tenir debout. Il n’y a plus de relations d’homme à homme à proprement dit. La vie est vécue dans la pure indifférence sans la moindre attention au frère. La modernité nous enferme encore plus dans nos tombeaux d’indifférence. C’est bien pour lutter contre ce vieux parasite que nous sommes envoyés dans le monde.
Aussi, ce travail missionnaire prendra-t-il en compte l’aspect de l’inculturation pour toucher en profondeur ceux à qui le message est destiné. (Cf. Marcelin YAO Kouadio, l’inculturation à la lumière de l’exhortation apostolique « Ecclesia in Africa », L’Harmattan, Paris, 2014, p.89). La mission de l’Eglise semble un commandement du Christ. Elle nécessite de ce fait, la participation de tout le peuple de Dieu à savoir, prêtres, religieux et laïcs. D'où l'invite de Monseigneur Raymond Ahoua, premier Pasteur du diocèse de Grand-Bassam, à faire un bilan après 125 années de marche à la suite du Christ. « A quelques années des 125 ans de l’œuvre missionnaire en terre ivoirienne, quel bilan pouvons-nous dresser ? si nous pouvons nous réjouir d’une Eglise en croissance à tous points de vue, et en rendre sincèrement grâce à Dieu, il n’est pas permis d’ignorer les grands défis pastoraux qui se présentent à elle. Le sacrifice des premiers missionnaires doit nous servir pour affronter courageusement ces défis pour la mission d’aujourd’hui et de demain ». (Mgr Raymond AHOUA, lettre pastorale Carême 2018, in La Colombe n° 176, mars 2018. Recommandation urgente pour nous à quelques petits mois du jubilé).
Ils sont finis, comme le dit bien la bénédiction solennelle de Pâques, les jours de la passion, de l’épreuve, de la peur, de l’angoisse. Dorénavant avec le Ressuscité, nous sommes des vainqueurs de tout cela. Réjouissons-nous de suivre ses pas sur le chemin de la mission, laissons-nous entrainer par sa Paix afin d’être pour nos frères les hommes, ainsi que pour notre monde en proie à l’indifférence, des semeurs de vie. L’inclusion du chrétien dans le Christ, affirme Félix Koala, le dispose à son tour à faire de son existence une existence eucharistique, existence centrée sur l’auto-donation. Que notre amour pour le Ressuscité fasse de nous, de véritables missionnaires dans l’annonce de sa Pâques. Amen.
Abbé ABIA Serge est séminariste diocésain de Grand-Bassam en 1ère année de Théologie au séminaire Paul VI Cocody-Abidjan




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